Parce qu’il est des personnes, des évènements et des raisons que l’histoire tend à oublier je me permets de vous proposer des séries d’articles pour lever le voile sur ces personnes et événements. Continuons l’épopée de l’incroyable et fabuleuse Alice Marble ?
Lorsqu’elle avait 15 ans, Dan, l’ainée de ses frères, lui ordonna d’abandonner le base-ball et de se mettre au tennis, parce qu’il en avait marre qu’elle soit un garçon manqué. Et Dan c’est lui qui a pris la place de père au sein de la famille Marble. Donc quand Dan ordonne, Alice obéit.
Et Alice va s’avérer très douée pour ce nouveau sport, même si l’engouement n’est pas là. Car pour elle, le tennis n’était qu’un jeu facile qui ne pouvait plaire qu’à des mauviettes. Du moins jusqu’à ce que deux événements viennent chambouler sa vie.
Rapidement son frère l’inscrira à un tournoi au Golden Gate Park, l’endroit ou toute la famille Marble avait l’habitude de venir se défouler depuis qu’ils étaient arrivé à San Francisco. En arrivant sur les lieux, c’est un désastre. Les terrains sont trempés et les joueurs n’ont d’autre choix que d’utiliser leurs propres serviettes pour essayer d’en éponger le maximum. Sans surprise, au vu de son manque d’expérience et d’entrainements, elle va perdre mais cette défaite va lui permettre de comprendre que ce n’est pas simplement un jeu ou on s’envoie la baballe avec des raquettes. Cette défaite, c’était justement l’étincelle qui lui manquait.
L’autre événement est bien plus dramatique.
Un jour qu’elle revenait du Golden Gate Park, elle croisa le chemin d’un homme…Elle avait 15 ans…
De ce crime odieux, qu’elle taira la majeure partie de sa vie, elle n’aura que peu de séquelles physiques. Du point de vue psychologique c’est une autre histoire.
Bien sûr que sa confiance dans le genre humain en général et en l’homme en particulier fut brisée ce jour-là et qu’elle mettra des années avant de pouvoir recréer des liens avec un membre du sexe opposé. Bien sûr qu’elle ressent la honte et la culpabilité, parce que ce genre de choses, parait il que ça n’arrive pas aux filles bien donc peut-être est-ce un peu de sa faute ?
Mais aussi celle qui se croyait forte se rend compte qu’elle ne l’est pas tant que ça. Elle n’est qu’une faible femme dans la vraie vie, qu’une victime en puissance. Alors que sur le cours elle est invulnérable.
Alors le cours ça sera vie et elle règnera dessus. Sa douleur et sa rage devenant le carburant de ce qui sera sa future carrière.
C’est aussi à cette période que Dan lui offrira un abonnement pour le club de tennis le plus huppé de la ville. A l’aube du Krach de 1929 il se fendra de 45$ (soit converti en $ d’aujourd’hui la bagatelle de 826$) pour offrir à sa sœur le meilleur enseignement possible. En guise de leçons, elle va découvrir le fossé qui existe entre ses origines modestes et les autres membres de ce club qui ne lui adressent pas un mot, pas un regard. Qu’elle regarde et apprenne que le tennis ce n’est pas un sport de pouilleux.
Oh ! Elle a regardé. Et elle a appris.
Elle a appris leur jeu et ses subtilités. Et quand elle rentra dans son quartier de miséreux, elle les écrasa. Sans pitié ni concessions, elle n’avait plus qu’une idée en tête : enflammer les cours de tennis du monde entier.
3 ans passent et Alice commence à devenir une légende.
Elle est cette fille qui joue agressivement, comme un homme disent-ils. Elle est celle qui domine le jeu.
Mais, au fond d’elle, Alice sait qu’elle atteint une limite : elle ne peut réussir seule.
Oh ! Dan l’aide autant qu’il peut, mais c’est de l’aide d’un professionnel qu’elle à besoin… et il y a cette ancienne joueuse, originaire de la ville de San Francisco comme elle, qui est devenu une des premières joueuses professionnelles de Tennis de l’histoire qui désormais est devenu entraineuse pour les célébrités d’Hollywood… Clark Gable, Groucho Marx, Charlie Chaplin tous sont passés entre les mains de celle à qui Carole Lombard a donné le surnom de ‘Teach’…
Ah ! Si elle pouvait avoir la chance de rencontrer Eleanor Tennant… Si elle pouvait devenir l’élève de ‘Teach’, les choses seraient bien différentes.
Ce qu’elle ignore, c’est que cette même Eleanor Tennant à déjà entendu parler d’elle, les rumeurs de ce qui se passe sur le circuit de San Francisco ayant atteint sa villa de Beverly Hills dès la fin des années 20. Mais elle attendra 1932 et la fin des années difficiles pour venir juger sur pièce.
Et ce qu’elle voit lui déplait. Alice est, selon Tennant et à l’opposé de ce que pense le reste du Tennis professionnel, trop grasse et lourde dans ses mouvements, son caractère est erratique et influence sa manière de jouer, certes agressive mais aussi désordonnée. Toute sa technique et sa vision du jeu, qu’elle a développé en autodidacte, doit être revu rapidement.
Mais ce qu’elle pressent c’est tout le potentiel qu’il y a derrière tous ses défauts.
Rapidement elle contacte Alice et sa famille et lui fait une offre : elle deviendra son employée et en échange ‘Teach’ fera d’elle son élève et lui apprendra tout ce qu’elle a besoin de savoir : La rigueur et la discipline dans un premier temps. Et ensuite elle reprendra les bases jusqu’à même lui faire changer complètement sa manière de tenir la raquette.
La relation entre Teach et Alice est de celle sur laquelle on écrit les grandes histoires du sport. Une relation née dans l’effort et le respect entre une prof et une élève qui deviendra celle d’un mentor et de son héritière.
Teach n’enseignera pas que le Tennis, elle changera le regard qu’Alice avait sur elle-même en tant que femme en lui offrant une nouvelle garde-robe et en lui apprenant le style et l’élégance avant de lui ouvrir la porte d’un monde, qu’elle aurait cru inaccessible, ou elle côtoiera les plus grandes célébrités de son temps.
Mais il y a un prix à payer pour tout ça : le mépris.
Crédits et Bibliographie :
SAM SPADE Private Detective - Half Hour Radio Show c.1948 w/ Howard Duff
Superman Radio (Ep269-275) The Silver Arrow ( October 29, 1941)
The Falcon The case of the neighbors nightmare ( February 4, 1951)
Ain’t we got fun - Peggy Lee
Nobody knows you when you’re down and Out - Bessie Smith.
Pennies from Heaven - Billie Hoiyday